Comment passer de ceci…

…à cela?

On parle souvent de “traiter” une image astrophotographique après la prise de vue. Mais à quoi cela correspond-il en réalité? De quels logiciels a-t-on besoin?

Prise de vue

Lorsqu’on a réalisé la prise de vue de l’objet tant convoité, on a accumulé des heures de pose, que l’on “empile” ensuite pour obtenir 2 images principalement:

  1. l’image RGB (Red, Green, Blue – les 3 couleurs primaires en colorométrie additive)
  2. l’image de luminance, que l’on abbrévie souvent en parlant du canal “L”

L’image RGB représente l’information de couleur. La luminance représente l’intensité lumineuse de l’objet, elle est en noir et blanc, plus précisément en niveaux de gris, dénuée de l’information de couleur.

Si l’appareil de capture est un appareil photo numérique, chaque photo est enregistrée en mode “raw” et contient essentiellement l’image RGB couleur; la luminance n’est pas disponible directement. Mais il est possible d’extraire cette dernière des images raw RGB.

Si l’appareil de capture est une caméra CCD ou CMOS équipée d’un capteur couleur, on obtient la même chose que pour un appareil photo numérique: des images raw en RGB.

Enfin, si l’appareil de capture est une caméra CCD ou CMOS équipée d’un capteur noir et blanc, il est nécessaire d’utiliser des filtres R, G et B pour obtenir les informations de couleur; et bien souvent on utilise également un filtre IR/UV qui filtre les supprime les infrarouges et les ultraviolets pour obtenir la lumière visible et fournit ainsi la luminance.

Résultats bruts de la prise de vue

Une fois ces éléments obtenus et empilés et pré-traités (voir l’article correspondant ici), on obtient finalement ce type d’images – ici il s’agit de la galaxie M 101, dite du Moulinet (Pinwheel en anglais), située dans la constellation de la Grande Ourse.

 

Luminance brute

Elle est bien sombre, on n’aperçoit que quelques points lumineux, correspondant aux étoiles les plus brillantes.

C’est normal, tous les pixels sont placés complètement à gauche de l’histogramme. Quand on ouvre l’image, convertie en JPG, dans PhotoShop, voilà comment se présente la répartition des pixels de l’image: les plus de 8 millions de pixels sont tous situés au niveau du pic, autour de la valeur 29, avec un écart-type de 2.38.

 

Une fois que l’on étire l’histogramme avec un logiciel de traitement d’images astrophotographiques, voir plus bas, voilà ce que l’on obtient:

 C’est déjà mieux! Que remarque-t-on cette fois-ci?

  • La forte présence de “gradient” lumineux, c’est-à-dire que le fond du ciel n’est uniformément éclairé; plusieurs raisons peuvent expliquer cela: pollution lumineuse, présence de la Lune lors de la pise de vue, retournement au méridien, ou parfois même la capteur chauffe dans un coin de l’image et produit des photos parasites
  • Le vignettage: des coins plus assombris que le centre de l’image; ce n’est pas très visible sur cette image, mais très fréquent. Cela est dû au fait que le capteur est moins éclairé dans les coins qu’au centre à cause de l’instrument à cause des filtres, ou de l’instrument lui-même. Normalement l’utilisation de “flats” permet de supprimer ce défaut.
  • Le bruit: toujours présent sur les images, à un niveau plus ou moins élevé, en fonction du temps de pose cumulé
  • L’image est en niveau de gris, et manque de contraste

Le traitement a pour objectif de corriger ces défauts visuels.

Voyons maintenant ce que l’on obtient avec les images brutes RGB.

 

Couleur brute

Elle est bien sombre, comme celle de la Luminance! C’est normal encore une fois, tous les pixels sont placés complètement à gauche de l’histogramme. Une fois que l’on étire l’histogramme, voilà ce que l’on obtient:

C’est déjà mieux! Que remarque-t-on?

  • La forte présence de “gradient” lumineux. Le gradient est ici plus complexe parce qu’il est différent pour les couleurs rouge, vert et bleu; dans ce cas, cette image a été réalisée avec une caméra CCD en noir et blanc, et les filtres ont été alternés à plusieurs reprise pendant la nuit; la pollution lumineuse ne se situait pas au même endroit sur les clichés.
  • Le vignettage, comme pour la luminance: des coins plus assombris que le centre de l’image. Normalement, l’utilisation de “flats” permet de supprimer ce défaut.
  • Le bruit: toujours présent sur les images, à un niveau plus ou moins élevé, fonction du temps de pose. Le bruit pend aussi une teinte colorée aléatoire.
  • Les couleurs sont bien pâlottes! il va falloir les réhausser sans trahir la nature physique de l’objet.

Le traitement a pour objectif de corriger tous ces défauts visuels.

Image finale, après traitement

Une fois les traitements terminés. voilà un exemple de ce que l’on peut attendre.

Bien différent des images précédentes!

La plupart des défauts ont été corrigés, le netteté et le contraste renforcés, le bruit réduit, les couleurs sont bien vives sans exagération.

 

Alors, quels outils utiliser?

On s’en doute un peu, les logiciels de photographie classiques comme PhotoShop (Adobe)  ou Gimp (libre en open source) ne suffisent pas.

La référence dans le domaine est le logiciel PixInsight (Pleiades Astrophoto), qui a été spécifiquement conçu pour cet usage et bénéficie du retour d’expérience d’une communauté d’utilisateurs très active. Il existe bien sûr quelques alternatives: AstroPixelProcessor et StarTools sont des options viables également.

Outre le traitement de la dynamique incroyable des images, ils permettent aussi de retirer les gradients, de s’assurer du bon équilibrage des couleurs en fonction des objets photographiés, d’améliorer le contraste et les détails, et de réduire le bruit. Leur prise en main n’est pas facile, car ils suivent un cheminement logique en différentes étapes menant au résultat escompté. Ce sera l’objet d’autres articles sur ce site.

Les logiciels de traitement d’image classiques ne sont pas pour autant complètement disqualifés: ils sont généralement mis en oeuvre tout à la fin du traitement pour convertir les photos en JPG ou PNG pour une publication web par exemple, ou pour les imprimer.

En conclusion, les outils de traitement d’images habituels ne sont pas vraiment adaptés pour gérer la plage dynamique des images astrophotographiques, il faut recourir à des logiciels spécialisés.

NOTE: je ne suis pas sponsorisé ni rémunéré par les éditeurs des logiciels mentionnés, et les avis formulés dans cet article n’engagent que moi.